En toute intimité : art actuel, pudeur & secret

Quel est le statut de l’intimité à l’heure des réseaux sociaux et du tout-partage numérique ?
De l’intime sublimé dans les pastels de Degas aux selfies contemporains, des vestiaires de Cui Xiuwen aux chambrettes de Rosa Bonheur, les artistes révèlent la complexité de nos rapports à l’intime, entre confessions publiques assumées des uns et secrets jalousement gardés des autres, entre exhibitionnisme et pudeur. (pages 52 à 72)

Markus Lüpertz

« Je ne peux pas travailler sans rage. Je lutte toujours contre moi-même », confie l’artiste allemand de 82 ans.
Maître en provocations assumées, le peintre-sculpteur Markus Lüpertz poursuit sa quête d’harmonie à travers le chaos. Exposé au musée Maillol, il dialogue avec le classicisme tout en revendiquant sa liberté totale d’artiste barbare. Dans cet entretien mené par Françoise Monnin et photographié par Bertrand Rieger, Lüpertz évoque avec humour son rapport à la sculpture, son indifférence à l’argent et sa fidélité de 60 ans à son galeriste Michael Werner, dans un ballet de confidences où percent son autodérision et son exigence absolue.  (pages 44 à 49)

Les incubateurs d’artistes, késako ?

Jamais les questions de professionnalisation des artistes n’ont été si présentes ! De la petite fac à la grande institution, en France, des dispositifs émergent pour accompagner les plasticiens à chaque étape de leur carrière.
La journaliste Pauline Lisowski explore les différentes structures qui innovent dans ce domaine : Artagon à Marseille et Pantin, Poush à Aubervilliers, Generator à Rennes, Dos Mares à Marseille, BBB à Toulouse… Des lieux qui proposent formations, ateliers et conseils pour aider les artistes à vivre de leur art. Une véritable bouffée d’oxygène dans un milieu souvent opaque et complexe. (pages 74 à 76)

Coup de foudre : Tessa Farmer

Qui a dit que les fées étaient gentilles ? Dans les créations minutieuses de Tessa Farmer, ces petites créatures malicieuses et sanguinaires s’amusent à torturer insectes et animaux. L’artiste britannique crée des mondes fantastiques peuplés de squelettes d’oiseaux, d’arachnides et d’étranges fées aux allures d’insectes, composant des scénarios macabres d’une fascinante beauté. (pages 4 à 11)

Le Cahier PRO

Le programme Les Nouveaux Commanditaires révolutionne depuis 40 ans la commande d’œuvres d’art en partant des besoins des citoyens pour créer des installations dans l’espace public. À Bobigny, le collectif d’artistes Le Wonder a développé un modèle d’organisation collective avec 62 artistes répartis en 15 pôles techniques dans des ateliers mutualisés. La galerie du Crous de Paris renforce son soutien aux jeunes artistes diplômés avec un nouveau modèle offrant gratuité et accompagnement complet. Enfin, les institutions culturelles comme le Louvre expérimentent l’hébergement insolite dans leurs espaces, une initiative qui oscille entre stratégie marketing et nouveau modèle économique pour soutenir le patrimoine. (pages 103 à 110)

Histoire de…

L’ancienne juriste Valérie Eymeric dirige aujourd’hui une galerie d’art à Lyon où elle expose des artistes fascinés par la couleur et le mouvement, en s’engageant à les rémunérer rapidement. Le collectionneur Laurent Dumas, à la tête d’une collection de 2000 œuvres, soutient activement la scène artistique française à travers diverses initiatives dont la future création d’un centre d’art sur l’île Seguin en 2026. Le Naïa Museum à Rochefort-en-Terre, ouvert en 2015, se distingue par son parcours onirique dédié aux « arts de l’imaginaire » mêlant art visionnaire, science-fiction et fantastique. Le plancher de Jeannot, découvert en 1993 dans une ferme du Béarn et couvert de messages gravés par Jean Crampilh-Broucaret, continue d’intriguer les chercheurs quant à sa nature d’œuvre d’art brut ou contemporaine. (pages 14 à 20)

Artension aime…

Antoine d’Agata utilise la photographie non pas comme une fin en soi mais comme un moyen de documenter son vécu intense en marge et la violence du monde. Robert Gabris, jeune poète slovaque, crée des installations mêlant balançoires, masques et corps entremêlés qui questionnent l’hybridation et les traditions roms. La peintre suédoise Mamma Andersson, de son vrai nom Anna Karin, dépeint avec concision des scènes quotidiennes et des paysages nordiques dans une approche contemplative. Damien Deroubaix fait dialoguer depuis plus de 20 ans les maîtres classiques avec la culture metal à travers gravure, collage et peinture pour questionner la brutalité contemporaine. L’artiste palestinien Taysir Batniji explore à travers photos, installations et dessins les traces des traumatismes et des déchirements qu’il a vécus. L’Iranienne Samaneh Atef, installée à Lyon depuis 2020, poursuit à travers ses dessins denses et charnels une exploration intense du corps féminin et de la sexualité, travail récompensé par le prix Euward en 2024. (Pages 26 à 42)

152 expos…

Parmi les 152 expositions présentées dans ce numéro, à Paris le musée des Arts décoratifs explore l’intimité à travers 400 ans d’histoire et plus de cent objets. L’exposition retrace l’évolution des mœurs et l’influence des pouvoirs sur le corps, en particulier féminin. Le musée d’Art moderne de Paris présente « L’âge atomique », une relecture de l’histoire de l’art à travers le prisme de l’atome, tissant des liens entre science, histoire et art. De nombreux documents d’archives côtoient des œuvres significatives. À Liège, « Les mondes de Paul Delvaux » dévoile l’univers onirique du peintre belge, avec ses gares au milieu des forêts et ses femmes nues aux toisons pubiennes minutieusement peintes. À Bruxelles, la BRAFA Art Fair réunit 130 galeries de 16 pays autour d’art et design anciens, modernes et contemporains. Tandis qu’à Karlsruhe, Art Karlsruhe propose une foire d’art moderne et contemporain alliant valeurs sûres et découvertes. La Collection de l’Art Brut à Lausanne consacre une exposition magistrale à l’art populaire non-conformiste cubain. (Pages 82 à 94)